La légende veut que les soirs de pleine lune les contractions se déchaînent, les poches des eaux se rompent, les maternités débordent et les bébés déferlent!
La pleine lune annoncée à cinq jours du terme devenait autour de moi un sujet récurant que je balayais en bonne cartésienne d’un éclat de rire.
Et pourtant…
C’est à la maternité que j’ai passé cette nuit de pleine lune.
Une maternité bel et bien bondée, à tel point qu’aucune chambre n’était disponible.
Une chambre dont j’ai pourtant fini par connaître le moindre recoin pour y être restée quinze jours.
Entrée en salle d’accouchement à 6h30, pour n’en sortir qu’à 13h ( Pas de chambre Madame! On est débordés! La pleine Lune…) avec une infection à streptocoque ( Désolés Madame! On est débordés! La pleine Lune…) et une perfusion d’antibiotiques au bras, je commençais à croire que rire de la pleine Lune m’avait joué des tours.
Je fis donc mes premiers pas de maman avec un bras, l’autre étant immobilisé par ma perfusion.
Mettre les premières couches avec un bras.
Prodiguer les premiers soins avec un bras.
Donner le bain avec un bras.
Découvrir l’allaitement avec un bras.
Boutonner les mille et une pressions d’un body d’une main.
Bercer ma toute petite Lapinette avec un bras.
Me doucher entre deux pleurs avec un bras sans arracher ma perfusion.
M’habiller d’une main sans m’étrangler avec ce maudit fil.
Nous avons vécu deux semaines en huis-clos ma perfusion, Lapinette et moi.
(Visites interdites! On vous met en quarantaine! C’est le protocole Madame!)
Nous nous promenions toutes les trois dans la chambre.
Nous attendions impatiemment les visites de l’homme de la maison qui arrivait toujours à nous faire rire.
Puis, une nuit, alors que notre trio commençait à bien fonctionner, un infirmier me libéra de ma perfusion le temps d’allaiter.
Avec deux bras tout était si simple.
Pourquoi n’avais-je pas eu le droit de faire tous ces gestes correctement jusqu’ici ?
Pourquoi n’avais-je pas pu être une maman qui berce bien, allaite bien et console bien?
Le sentiment d’avoir raté la rencontre avec ma fille et ses premiers jours m’envahit alors.
Il me retrouva en larmes quand il revint m’enchaîner à mon boulet rempli d’antibiotiques.
Et la nuit suivante, ce même infirmier, à la même heure, revint me rendre mon deuxième bras.
J’eus alors, toutes les nuits, deux heures devant mois pour faire tous ces petits riens « comme il faut ».
J’attendais ces moments toute la journée.
J’en savourais chaque seconde.
Je savais que, bientôt, ces deux heures seraient mon quotidien…